L’accompagnement psychologique : la clé pour favoriser le retour à la compétition et éviter les récidives de blessures ?

17 Oct, 2020 | Coaching, Tous les articles

L’arrêt forcé à cause d’une blessure est une des situations les plus redoutées dans la carrière sportive d’un athlète. En effet, bien que les blessures qui nécessitent seulement une courte indisponibilité semblent en général plutôt bien acceptées, la blessure nécessitant un arrêt prolongé quant à elle, peut confronter l’athlète à de nombreuses difficultés, aussi bien, sur le plan physique que sur le plan mental, ce qui peut dans certains cas, retarder le processus de retour à la compétition et engendrer des récidives à répétition.

Une étude réalisée dans le football (Hagglund et coll., 2005) a d’ailleurs démontré que 25 à 30 % des blessures seraient catégorisées comme récidive et que la majorité des récidives entraineraient des absences plus longues que la blessure précédente. Ces résultats montrent qu’il y a forcément des manquements dans les processus de réathlétisation.

Par conséquent, quels sont les moyens que nous pouvons utiliser pour optimiser le processus de retour à la compétition et comment pouvons-nous réduire le risque de récidive ?

Pour répondre à cette question, l’accompagnement psychologique semblerait avoir un réel rôle à jouer tout au long du processus de réathlétisation.

 

LES TYPES D’ACCOMPAGNEMENT PSYCHOLOGIQUE

Afin d’accélérer le processus de guérison et de retour à la compétition, plusieurs types d’interventions psychologiques pourraient être utiles pendant la phase de rééducation et de réathlétisation chez les sportifs blessés. Santi et coll., 2013 mettent en avant ces différents types d’accompagnements psychologiques qui pourraient être bénéfiques pour les athlètes.

 

 

L’ÉDUCATION

L’éducation pourrait permettre aux athlètes blessés d’être sensibilisé face à leur situation. Après une blessure, les athlètes n’ont pas forcément une vision précise de leur processus de rééducation et cela peut engendrer des émotions négatives et une perte de motivation. C’est pourquoi, il est important que le personnel médical (médecin, kinésithérapeute) fournisse le plus tôt possible, des informations claires sur la nature de la blessure et sur le calendrier de récupération.

Les athlètes doivent également savoir différencier les types de douleurs. En effet, il y a les douleurs causées par la blessure, qui sont des symptômes négatifs et les douleurs causés par la rééducation, qui sont des symptômes positifs. Donc, plus tôt l’athlète arrivera à gérer sa douleur, plus vite, il aura une rééducation confortable.

Enfin, les athlètes doivent également être préparées à leurs émotions à venir, notamment la frustration et la colère.  Plus ils arriveront à les contrôler rapidement, plus ils auront un niveau de motivation et de détermination élevée, ce qui pourrait accélérer le processus de rééducation.

LA FIXATION D’OBJECTIF

La fixation d’objectif va jouer un rôle primordial dans le processus de rééducation et de réathlétisation de l’athlète blessé. Ce type d’intervention va lui permettre d’avoir une vraie direction à suivre, ce qui augmentera sa motivation.

Cependant, la fixation d’objectif doit obligatoirement se baser sur ces différents critères. Il doit suivre l’acronyme S.M.A.R.T (Georges T.Doran, 1981) :

  • Spécifique : l’objectif doit être clair et précis. Plus il sera spécifique, plus il sera facile de le visualiser et plus l’athlète déploiera son énergie pour atteindre son objectif.
  • Mesurable : l’objectif doit être quantifié, chiffré ! Si la quantification n’est pas possible, Il faut être capable de l’évaluer selon une sensation.
  • Atteignable & Réalisable : ces critères sont liés. L’objectif ne doit pas être irréaliste. L’objectif doit être suffisamment grand pour qu’il relève du défi et suffisamment petit pour pouvoir l’atteindre.
  • Temporelle : l’objectif doit être lié à une date. Il doit être défini dans le temps.

Enfin, il est important de se fixer des objectifs à court, moyen et long terme pour maintenir une forte motivation dans le temps.

Exemples :

Court : « Je veux remarcher sans boiter avant le 10 octobre »

Moyen : « Je veux combler les 3 % de déficit de force de ma jambe lésée avant le 2 décembre »

Long : « Je veux reprendre l’entrainement collectif le 5 février »

 

L’IMAGERIE MENTALE

L’imagerie mentale est une des techniques les plus utilisées dans les études d’évaluations psychologiques. On peut classer cette technique de différentes manières :

  • Selon le type de sensations (visuelle, auditif, kinesthésique) ; je visualise les images de l’action (visuelle), je visualise le son comme les chants des supporters par exemple (auditif), je visualise les sensations comme ressentir la fréquence cardiaque, l’équilibre du mouvement, etc. (kinesthésique)
  • Selon la perspective (externe ou interne) ; soit je suis acteur de l’action (interne), soit je me regarde réaliser l’action (externe)

Nous pouvons faire également une différence entre l’imagerie de performance et l’imagerie de rééducation.

L’imagerie de performance fait référence à la visualisation mentale des mouvements, des gestes spécifiques de la compétition, de la représentation tactiques. Cette imagerie est très utile pour améliorer les habiletés sportives.

Dans le cadre d’une blessure, l’imagerie de performance peut être très intéressante pour maintenir certaines habiletés techniques ainsi que certaines notions tactiques. De plus, la visualisation d’une action en lien avec le membre lésé permettrait d’activer certains muscles, ce qui augmenterait la circulation sanguine dans la zone inactive causé par la blessure.

L’imagerie de rééducation est utilisée pour prévenir les sensations douloureuses ou des situations qui sont anxiogènes. Dans le cadre de l’imagerie de rééducation, ces sensations ou ces situations vont être associées à des stratégies de relaxation (exercices de respiration, visualisation positive, visualisation de paysage, etc.). Cette technique va permettre à l’athlète d’obtenir un relâchement musculaire pour provoquer un effet physiologique sur la réduction des hormones du stress et donc prévenir les situations anxiogènes.

 

DIALOGUE INTERNE

Ce type d’intervention a pour objectif de faire prendre conscience à l’athlète ses pensées négatives et de les faire changer. Podlog et coll., 2011 ont d’ailleurs proposé un protocole d’intervention :

  1. Exprimer des sentiments et des pensées
  2. Identifier les pensées négatives
  3. Trouver les aspects positifs de cette pensée
  4. Sélectionner 3 aspects positifs de cette pensée et les écrire sur un papier
  5. Lecture de ces 3 aspects positifs
  6. Lire le papier au moins 1 fois par jour

 

BIOFEEDBACK

L’objectif du biofeedback est de fournir à l’athlète des informations sur ses données physiologiques telles que son activité éléctromyographique (EMG), sa fréquence cardiaque, sa pression artérielle, etc. L’idée est de faire prendre conscience à l’athlète de son propre état physiologique. Ce retour peut alors l’aider à changer l’interprétation des symptômes, surtout dans un contexte de rééducation. En effet, si l’athlète à travers ses données perçoit des améliorations, cela peut lui permettre de réduire son anxiété et d’augmenter sa confiance en soi.

 

LE SOUTIEN SOCIAL

Il y a plusieurs sources de soutien social pendant une période de rééducation : la famille, les amis, l’entraineur, le personnel médical, les coéquipiers, d’autres personnes qui ont subi une blessure.

Ce type d’intervention est basé sur l’hypothèse qu’un soutien accru réduirait la perception de symptômes psychologiques ou physiques négatif.

 

QUE DIT LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE ?

Une méta-analyse (Reese et coll., 2012) met en lumière les effets de différentes interventions psychologiques après une blessure sportive. L’objectif de cette méta-analyse était d’améliorer l’adaptation psychologique au cours du processus de réathlétisation chez des athlètes compétitifs.

Différentes études qui ont montré des effets positifs à partir de plusieurs types d’interventions ont été sélectionnées :

  • Johnson et coll., 2000

58 participants ayant subi une blessure grave (indisponibilité > à 5 semaines) ont été répartis en deux groupes :

Groupe traitement (n=14) : fixation d’objectif + 3 séances d’imagerie guidée

Groupe contrôle (n=44) : kinésithérapie uniquement

Résultats :

Via un questionnaire, le groupe traitement, par rapport au groupe contrôle,  a montré une volonté plus importante de reprendre le sport.

  • Cupal & Brewer., 2001

30 sportifs ayant subi une rupture du Ligament Croisé Antérieur ont été répartis en 3 groupes :

Groupe traitement : 1 séance de relaxation et d’imagerie individuelle toutes les 2 semaines pendant 6 mois.

Groupe placebo : encouragement et soutien des cliniciens

Groupe contrôle : kinésithérapie uniquement

Résultats :

Après la phase d’intervention, le groupe traitement a développé une meilleure force dans le genou, a montré un niveau d’anxiété et de douleur moins élevé.

  • Evan et Hardy, 2002

39 athlètes blessés ayant raté au moins 5 semaines de compétition ont été réparti en 3 groupes :

Groupe traitement : rencontre d’un psychologue du sport tous les 7 à 10 jours (60-105 min) pendant 5 semaines avec en plus un suivi d’évolution des objectifs.

Groupe témoin : rencontre d’un psychologue du sport tous les 7 à 10 jours (40-60 min) pendant 5 semaines avec en plus un soutien social et émotionnel.

Groupe contrôle : joins par téléphone tous les 10 jours (5 à 10 min).

Résultats :

Après la phase d’intervention, les résultats ont montré une efficacité plus importante du suivi des objectifs par rapport au soutien social et émotionnel. Les résultats ont également montré une adhésion à la réadaptation plus efficace.

En résumé, les différents types d’interventions psychologiques comme l’imagerie, la fixation d’objectif ou l’accompagnement par un psychologue ont eu de réels effets sur l’état psychologique des athlètes. Ces processus mis en place, en plus des interventions de soins par les kinésithérapeutes, ont joué un rôle majeur dans le processus de réathlétisation des athlètes et dans leur optique de revenir à la compétition.

 

COMMENT PRÉVENIR ET ÉVITER LA RÉCIDIVE ?

Un test de préparation psychologique de l’athlète blessé pour le retour au sport pourrait être la solution.

LE QUESTIONNAIRE PRIA-RS :

Il s’agit d’un test composé de 10 questions notées sur 5. Plus le score est élevé, plus la réponse psychologique est positive et favorise un retour à la compétition.

  1. Comment évalues-tu ta progression durant la phase de réathlétisation ?
  2. Comment est ton moral ?
  3. Comment est ton état physique pour un éventuel retour dans l’équipe ?
  4. Comment évalues-tu ton état fonctionnel de la zone de ta blessure ?
  5. As-tu des inconforts ou des limitations qui t’empêche de t’entrainer normalement ?
  6. Es-tu nerveux de retourner t’entrainer avec l’équipe ?
  7. Quel niveau de sécurité ressens-tu dans les actions ou mouvements de performance en lien avec ta zone de blessure ?
  8. À combien estimes-tu ton risque de récidive ?
  9. Quel est le niveau de pression que tu ressens par ton entourage pour le retour dans l’équipe ?
  10. Comment évalues-tu ta condition générale en vue d’un potentiel retour pour un entrainement complet ?

Une étude a cherché à vérifier l’efficacité du questionnaire auprès de footballeurs blessés. L’objectif de cette étude était de montrer l’amélioration du processus de récupération et la décision de reprendre le sport afin de réduire les récidives (Gomez-Piqueraz et coll., 2020)

  • Les participants de l’étude

Pour cette étude, 251 blessures sur 102 joueurs ont été recensées. 111 sur 252 blessures étaient de plus de 7 jours. Seules les blessures de plus de 7 jours ont été gardé pour l’étude. Ils ont tous répondu aux questionnaires PRIA-RS durant leur phase de réathlétisation. Une fois toutes les données récoltées, 2 groupes distincts ont été formés : un groupe re-blessure et un groupe non re-blessure afin de juger l’efficacité du questionnaire.

  • Les résultats (table 1)

Le groupe re-blessure (n=23) a eu un score total moyen au questionnaire PRIA-RS de 39.78 ± 2.31 et le groupe non re-blessure (n=88) de 47.74 ± 2.33. Les résultats montrent une différence très significative (p = 0.00) entre les deux groupes et validerait la fiabilité de ce questionnaire.

Table 1 : Différences de résultats entre le groupe re-blessure et le groupe non re-blessure (p < 0,05 = statistiquement significatif)

  • Conclusion

Même si de nouvelles études sur d’autres populations devront venir confirmer ces résultats, l’utilisation du questionnaire PRIA-RS s’est avéré valide pour déterminer l’état psychologique de l’athlète qui est sur le point de reprendre l’entrainement. Ce questionnaire pourrait donc être une aide pour prévenir la survenue d’une nouvelle blessure et les cliniciens pourraient envisager l’utilisation du questionnaire PRIA-RS pour identifier les athlètes ayant des réponses psychologiques inadaptées à la reprise du sport.

 

CONCLUSION GÉNÉRALE

Nous pouvons conclure que dans le cadre d’une blessure de longue durée chez des athlètes de haut niveau, l’accompagnement psychologique est sans aucun doute indispensable tout au long du processus de réathlétisation, que ce soit du premier jour après la survenue de la blessure jusqu’à son retour à la compétition.

Le simple soutien social et familial après la blessure, la fixation des objectifs pour garder la motivation et cet esprit de compétition, le travail d’imagerie pour réduire le niveau d’anxiété et maintenir certaines habiletés sportives, le passage d’un questionnaire pour déterminer l’aptitude psychologique à reprendre la compétition. Oui, tous ces types d’interventions pouvant avoir lieu dans différents moments du processus de réathlétisation sont essentielles pour la suite de carrières d’un athlète et dans le but qu’il retrouve un niveau de performance optimal.

 

RÉFÉRENCES

Cupal, D. D., & Brewer, B. W. (2001). Effects of relaxation and guided imagery on knee strength, reinjury anxiety, and pain following anterior cruciate ligament reconstruction. Rehabilitation Psychology, 46(1), 28–43.

Evans, L., & Hardy, L. (2002). Injury Rehabilitation: A Goal-Setting Intervention Study. Research Quarterly for Exercise and Sport, 73(3), 310–319.

Gomez-Piqueras et coll., Psychometric Analysis and Effectiveness of the Psychological Readiness of Injured Athlete to Return to Sport (PRIA-RS) Questionnaire on Injured Soccer Players. International journal of environmental research and public health. 2020

Hagglund, M., Walden, M., & Ekstrand, J. (2005). Injury incidence and distribution in elite football-a prospective study of the Danish and the Swedish top divisions. Scandinavian Journal of Medicine and Science in Sports, 15(1), 21–28.

Johnson U. Short-term psychological intervention: a study of long-term-injured competitive athletes. J Sport Rehabil. 2000

Podlog, L., Dimmock, J., & Miller, J. (2011). A review of return to sport concerns following injury rehabilitation: Practitioner strategies for enhancing recovery outcomes. Physical Therapy in Sport, 12(1), 36–42.

Santi, G., Pietrantoni, L., (2013). Psychology of sport injury rehabilitation: a review of models and interventions. Journal of Human Sport and Exercice

Schwab Reese, L. M., Pittsinger, R., & Yang, J. (2012). Effectiveness of psychological intervention following sport injury. Journal of Sport and Health Science, 1(2), 71–79.

 

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